vendredi 3 février 2012

La Statistique ou Traduction foireuse des nombres

Aujourd’hui, nous, Roi Soleil allons aborder un sujet quasi quotidien qui, s’il avait été évoqué dans la mythologie grecque, aurait trouvé sa place dans la boîte de Pandore. Pourquoi? Parce que, tel Wikipedia, les faibles individus que nous sommes le prennent trop souvent pour acquis sans questionner ses fondements, et à l’heure où je te parle, lecteur perplexe, le fléau s’est assez répandu pour qu’il urge de l’évoquer. Je parle bien sûr de .... la statistique.

La statistique, véritable plaie d’Egypte qui coupe court à toute discussion controversée, d’un simple « Ouais, mais, c’est statistiquement prouvé ». L’auteur de ce blog, en repensant au nombre de fois où cette phrase a été prononcée en sa présence, onomatopée inclue, se trouve forcée de reprendre sa respiration pour réguler sa tension artérielle.

Cette phrase et ses dérivés font partie de notre top 10 personnel des phrases qui nous font regretter que la puissance expéditive du regard-laser de Superman soit limitée au périmètre de notre écran télévisé. Du même acabit d’ailleurs, l’écran télévisé. Pour éclairer ces propos, nous prenons la liberté de digresser dès le départ en relatant une petite mésaventure survenue à une amie et respectée collègue, qui venait de rentrer de quelques semaines de séjour en Australie. Replaçons-nous en contexte: cette amie rêve de l’Australie depuis son enfance. Elle suit tout ce qui s’y passe, elle en a étudié les moindres recoins; pour résumer, à côté d’elle, Crocodile Dundee lui-même réunit tous les critères du touriste fraîchement débarqué, la main crispée sur son Reflex, prêt à risquer un doigt à ressaut plutôt que rater une opportunité d’immortaliser un spécimen exotique inconnu au bataillon.

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Mignon Aptéryx prêt à quitter son écosystème pour se faire tirer le portrait
à la porte Sud de l’Aéroport de Sydney


Bref... Il se trouve que cette amie donc, mêlée lors d’un dîner familial à une conversation sur les Aborigènes d’Australie, se fit littéralement agresser par le beauf, alors qu’elle corrigeait poliment une erreur courante d’interprétation de la culture aborigène, commise par l’un des invités. Aborigène dans l’âme, le beauf? Pas vraiment. Profil de l’individu: Jamais sorti de son village de 509 habitants, interdisant à ses gosses de lire sous prétexte que ça ne sert à rien, le journal, pour lui, c’est Bild (l’équivalent allemand d’un hybride entre Aujourd’hui en France et Public). Edifiant.

Retour en contexte: « [Mon amie] raconte vraiment n’importe quoi, parce que lui, il l’a entendu à la télé, et la télé, eux, c’est des pros, alors qu’[elle] se taise, c’est pas parce qu’[elle] a étudié qu’[elle] doit la ramener. ‘Toutes façons, les études, ça sert à rien.» (sic) Argument imparable, du moins pour mon amie estomaquée, qui n’a rien trouvé à répondre sur le moment. Voilà voilà voilà. Inutile de préciser que la télé pour lui, c’est du divertissement et que les chaînes culturelles, ça sert à rien, vous l’aurez compris.

Refermons la parenthèse de cette énorme digression pour en revenir au sujet de notre post: la statistique,

Il est nécessaire de garder en mémoire quelques statistiques de référence, qui vont nous aider à décider de la fiabilité d’une statistique.

Source: INSEE


- Population totale en France Métropolitaine au 1er Janvier 2012: 63 460 768

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Nombre de naissances au 1er Janvier 2011: 832 799

- Nombre de décés au 1er Janvier 2011: 551 218


- Principales causes de décés
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Exemple de statistique erronée:
- « 1 million de femmes décèdent chaque année des suites de maltraitances physiques. » Un rapide coup d’oeil à notre tableau décès nous permet de constater que ce chiffre n’a aucun fondement, à part si pour l’auteur de ces chiffres, être victime = décéder.

Mais notre liste de références, si utile soit-elle, ne nous sert à rien si l’on ne prend pas en compte la règle cardinale suivante:


Plus un événement est dramatique, moins il est vraisemblable. Pour illustrer cette règle, penchons-nous sur les statistiques criminelles.


En 2009, 127 742 voitures ont été déclarées volées en France Métropolitaine, et 430 personnes ont été victimes d’homicide. La statistique enregistre les vols de voiture au même titre que les homicides, dans la catégorie « Crimes ». Naturellement, la majorité des individus déclarent trouver un homicide bien plus dramatique qu’un vol de véhicule. Seulement – et on retrouve ce modèle dans presque tous les problèmes sociaux – les crimes gravissimes se fondent dans la masse des crimes bénins, bien plus nombreux. Et c’est lá que les média et autres sources d’information en profitent pour présenter des cas particulièrement effrayants, choisis justement pour l’horreur qu’ils dégagent.

Ces cas atypiques sont donc illustrés d’une statistique inquiétante pour ajouter une touche dramatique à l’article du journaliste, et voilà le travail! En un tournemain, on obtient une estimation statistique du nombre – élevé – d’étudiants consommant régulièrement de l’alcool pour donner du poids à un article relatant les décès liés à une intoxication éthylique. Qu’en conclut le brave lecteur soucieux de l’avenir de ses enfants? L’alcool est la première cause de décès des étudiants qui sortent souvent, sans réaliser que la majorité du lot survit à ces quelques années de soirées arrosées.

A cela, on ajoute, pour ne citer qu’eux et dans le désordre:

- les erreurs de typographie (une virgule qui glisse vers la droite permet de décupler un chiffre)
- les erreurs de traduction (nous allons le voir dans quelques lignes)
- les illustrations graphiques avec des chiffres – douteux – en 72 de taille de police pour bien imprégner les neurones du lecteur
- les chiffres dont on n’est pas certain de la provenance
- les chiffres arrondis au dessus – si en plus, ils sont assez longs pour empêcher le lecteur de se faire une idée concrète de l’ordre de grandeur, c’est le jackpot
- les titres éloquents des graphiques (« Un nouveau record atteint », « Réalité effrayante »), qui, si les chiffres ne parviennent pas à convaincre, déclencheront, eux, une panique de masse.

Nous venons d’évoquer les erreurs de traduction ou d’interprétation. Vous me direz, comment est-il possible de mal traduire des nombres? C’est possible, si le texte a été cité par une personne qui ne l’a pas compris. Dans un cas comme le suivant – et dont, par souci de professionnalisme, nous tairons la source – l’émetteur semble avoir commis une erreur en essayant d’interpréter les chiffres. Le plus terrifiant dans l’histoire, c’est que le texte a été remis à trois (en chiffre, 3) « vérificateurs » avant de parvenir jusqu’à l’auteur de ce blog, qui pourtant, il faut l’avouer, ne se souvient plus avoir brillé en maths dans l’ensemble de sa scolarité.

Les dangers du tabagisme passif, dans un communiqué de presse citant le Directeur de la Fondation Ecossaise de Cardiologie: « Nous savons que les individus régulièrement exposés au tabagisme passif voient leur risque de développer une maladie cardiaque augmenter de 25%. Ce qui signifie la chose suivante: parmi 4 non-fumeurs, qui travaillent dans l’environnement enfumé d’un pub, un en moyenne développera une maladie chronique conduisant à un décès prématuré, en raison de l’exposition au tabagisme passif.

Cherchez l’erreur. Sans vouloir dédramatiser les dangers du tabagisme, passif ou pas, voilà ce qui arrive quand on confond croissance en pourcentage (risque accru de 25%) et pourcentage absolu (25% des individus concernés développent un trouble cardiologique).



Supposons que 4 non-fumeurs sur 100 développent un trouble cardiaque en moyenne. Le taux de risque s’élèverait donc à 4%. Maintenant, on ajoute que l’exposition régulière au tabagisme passif augmente les risques de maladie cardiaque de 25 %. 25 % de 4, ça donne quoi? Ça donne 1. Pour les non-fumeurs qui passent trop de temps dans les pubs, le risque de mourir prématurément d’une maladie cardiaque s’élève alors à 5%, 5 personnes sur 100 en moyenne développeront un trouble - une personne de plus.

Pour la petite anecdote, ce communiqué a été repris plus tard dans un article de journal. Le journaliste apparemment, n’a pas remarqué l’erreur. Le rédacteur chargé de contrôler la qualité non plus. Ou alors ils ont souhaité rester fidèles mot pour mot à l’original. Mais le plus vraisemblable serait plutôt le manque d’esprit critique, sans vouloir vexer personne, bien entendu. Mais, chers mous du bulbe journalistes irresponsables qui entrez dans cette catégorie, vous est-il déjà venu à l’esprit que vos lecteurs aimeraient pouvoir se fier à vous et s’attendent naïvement à vous voir pourfendre de votre glaive vengeur les erreurs de syntaxe, de statistiques, et autres inepties du même genre, pour nous vendre de l’information, de la vraie? Non? Parce que la traductrice, planquée derrière son écran et transparente comme on lui demande de rester, cette traductrice-ci est en train de se demander en lisant ça si elle va plutôt

A. perdre un temps précieux à rechercher qui est le responsable de ce délire mathématique

B. rendre le texte tel quel en sachant très bien qu’une bourde pareille l’empêchera de dormir jusqu’en 2015

C. sombrer dans le tabagisme passif pour vérifier la véracité de ses propres calculs

Tout compte fait, la traductrice va plutôt ressasser devant un classique de la statistique qui l’enchante depuis son enfance. Mais ça c’était avant que Mr. Bigard choisisse le côté obscur de la force et se mette à chercher son inspiration uniquement en-dessous de la ceinture. M’enfin.... C’est mon avis...



vendredi 13 janvier 2012

Les germanistes me remercieront

Les germanistes pointilleux se sont sûrement retrouvés moult fois face à une faute courante de langage : la différence entre anscheinend et scheinbar.

Petit recadrage de contexte : je vis depuis douze ans en Allemagne, pays très sympathique dont la réputation se retrouve malheureusement quelque peu entachée par toutes sortes de clichés. Mais là n’est pas la question. Mon CV n’étant pas la question non plus, je me contenterai pour l’utilité de la compréhension de révéler que j’ai fait mes études à Cologne, avant de glisser par hasard dans la vie professionnelle d’une très sympathique start-up, aujourd’hui plus si start-up que ça depuis son rachat par un géant du média. Mais passons…

Douze ans, mine de rien, ça laisse une petite marge pour faire de nouvelles connaissances. J’ai appris à rester zen face à des erreurs quotidiennes consistant à apposer un wie au lieu d’un als à un comparatif, ce qui en contexte, nous donne d’exotibles (exotiques + horribles) tournures comme : "Mein Bruder ist so viel größer wie ich !"

Je baille d’un air distrait lorsqu’une collègue prononce avec obstination : "Ich habe es gehört gehabt". Pourquoi faire simple quand la correction l’exige on peut faire compliqué ?

Je me délecte à chaque : "Es macht keinen Sinn", transposition erronnée de It doesn’t make sense. Le germaniste attentif préfèrera : "Es ergibt keinen Sinn" (au pire, un "Es hat keinen Sinn" fera l’affaire). Et enfin, je me télétransporte dans des lieux où tout n’est que luxe, calme et volupté à chaque apostrophe mal placée.

Je ne suis pas la seule.

Des blogueurs exaspérés ont formé un consortium haineux avec pour mission d’éradiquer les emplois aberrants et abusifs de l’apostrophe dans la langue de Goethe, comme par exemple, le sympathique Deppenapostroph, qui apporte la preuve en images que l’abus d'apostrophe peut déclencher une apostrophite aiguë.

Le plus grave à mon humble avis, c’est quand l’apostrophite s’étend aux manuels scolaires.



En Français, ça pourrait donner quoi ? Les maths pour l’bac ? (Et encore, si la construction ici est malheureuse, elle n’est pas fausse à proprement parler). On ne répètera jamais assez la règle :

Dans un contexte lyrique, l’apostrophe est utilisée là où certains signes doivent disparaître pour l’amour de la rime.

Ex : ew’ge Liebe pour ewige Liebe

Ou pour raccourcir une longue série de lettres, comme les amateurs de football aiment à le faire (le fan de foot aime aller droit au but haha : peu importe la ville, du moment qu’on ne perd pas le ballon des yeux, quand l’action s’accélère, il n’a pas le temps de tweeter toutes les lettres)

Ex : K’lautern pour Kaiserslautern ; M’Gladbach pour Mönchengladbach

Lorsque le pronom « es » est apposé à un mot, il est courant et logique – mais pas obligé – de contracter par une apostrophe.

Ex : Würdest du’s mir sagen ?

L’apostrophe du génitif est un mythe. Contrairement à la langue anglaise, on n’emploie pas d’apostrophe au génitif.

Ex : Sonjas Hund vs. Lucy’s dog.

Toute autre forme ici serait exaspérante fausse, à moins que...

Exception : Les noms se terminant par un –s, -x, -z  (ergo une sifflante) ne permettent pas d’identifier le génitif dans une phrase. On rajoutera donc une apostrophe en fin de nom pour montrer qu’un génitif devrait suivre.

Klaus’ Hund
Marx’ Kapital

Exception : A moins qu’un doute ne subsiste sur l’identité du sujet. Par exemple, dans une tournure comme celle-ci : Andreas Hund, sans connaître la totalité du contexte, on est en droit de se demander si l’on parle d’un Andreas ou d’une Andrea (voire un Andrea si le prénom est d’origine italienne)

Solution : Andrea’s Hund pour ramener le chien à Andrea ; Andreas Hund pour le ramener à Andreas.

Et puis c’est tout! pas d’apostrophe au pluriel, ni à l’impératif, ni parce qu’on trouve que ça fait ‘achement plus beau avec.




Cher lecteur,

Je te prie de m’excuser de cette légère digression et reviens à mon sujet d’origine. Mais, si, tu te souviens! « Les germanistes pointilleux se sont sûrement retrouvés moulte fois face à une faute courante de langage : la différence entre anscheinend et scheinbar. »

Je n’ai en 12 ans rencontré que 2 (en lettres : DEUX) autochtones qui l’emploient correctement. L’erreur n’est pas régionale, elle est collective et se propage plus vite que l'E. coli dans paquet de viande hachée mal cuite.

Anscheinend = apparemment
Scheinbar = apparemment

Oui, mais non. Anscheinend tu utiliseras quand les choses que tu avances sont ce qu’elles semblent être.

Anscheinend ist mein Satz grammatikalisch korrekt. à Ma phrase semble grammaticalement juste.


Scheinbar, employer tu ne devras que si les choses que tu avances semblent être ce qu’elles sont, mais qu’en réalité, ce n’est qu’une apparence.

Scheinbar war mein Kauf ein Schnäppchen à J’ai acheté quelque chose qui semblait être une bonne occasion (mais en fin de compte je me suis fait rouler).

Il est vrai que dans la langue courante, « on » a tendance à ne pas vraiment faire attention. Tu l’auras compris, cher lecteur : « on » n’inclut pas l’auteur de ce post, dont les poils se hérissent chaque fois que quelqu’un fait la faute devant elle. 

Et qu’on ne vienne pas me dire que ce n’est pas grave. Grave, ça l'est. Parce que si un jour quelqu’un te fait remarquer que ton fond de culotte est en train de cramer, tu seras bien content de gagner de précieuses secondes en saisissant tout de suite que c’est vraiment le cas.

In girum imus nocte et consumimur igni 

vendredi 6 janvier 2012

Balade vs. Ballade



Ca y est ! Après des semaines d’hésitation, de remise en question, de sueurs froides dans l’optique : tu n’y arriveras jamais, « que diable allais-tu faire dans cette galère ? », l’envie de communiquer a été la plus forte et je me lance.

Mon premier post.

Je suis émue.

Cher lecteur, j’aurais adoré te souhaiter les traditionnels vœux de bonne année, mais toi et moi, on ne se connaît pas encore assez pour ce genre de familiarités. Je devrai donc me contenter d’un simple : Bienvenue sur ce blog ! (mais le cœur y est)

J’ai tellement d’idées et de choses à raconter que ce premier post sera… un coup de gueule. Tu vas peut-être te dire : « Ca commence bien ! » et tu auras une envie subite de cliquer sur CTRL+F4 ou Pomme+W. Laisse-moi t'expliquer pourquoi c’est mal :

  1. L’auteur de ce blog – qui n’ose ni parler de bloggeuse en se référant à elle-même, persuadée que ce titre se mérite, et qu’un seul malheureux post est très insuffisant pour se nommer comme telle, ni ne peut se résoudre à utiliser la forme féminine en vogue : l’auteurE, qu’elle qualifie de crime linguistique dissonant  – en serait très peinée.
  2. Quelqu’un de fort sensé a déclaré un jour qu’il faut toujours laisser aux gens une chance de convaincre leurs semblables.
  3. C’est vendredi. Il est temps de lever le nez de Facebook son stress professionnel pour se relaxer l’esprit deux minutes. 
  4. L’auteur de ce blog en serait très peinée. (Redondance, j’en suis consciente et je m’en excuse) 

L’idée de ce premier post m’est venue en lisant le dernier post des Piles Intermédiaires, dans lequel la très talentueuse et très drôle auteure maîtresse des lieux évoque son très profond et très justifié ressentiment vis-à-vis des crimes linguistico-syntaxico-orthographiques (sic) fonctionnant vraisemblablement sur le principe de la multiplication des pains.  

Sur le plan purement linguistique, beaucoup de choses m’exaspèrent. Sur le plan orthographique, j’ai honte de dire que j’ai parfois tojours du mal à rester objective. Et si j’arrive à conserver un soupçon d’indulgence humaniste selon l’état d’esprit du fautif (on peut être le fils spirituel de Bernard Pivot, parfois il arrive qu'un mot ne « rentre pas », on a testé tous les procédés mnémotechniques, on a même tenté l’auto-hypnose et envisagé un exorciste, supervacuāneus ! La faute est inéluctable), il m’est extrêmement difficile de ne pas fantasmer avec nostalgie sur le bon vieux temps face à des réflexions pertinentes comme : l’ortografe sassair a ri1 lol (vécu) voire « Pour quoi faire ? Ma secrétaire se charge de tout » (vécu)


Exemple de raisonnement parfaitement sensé 



Assez discouru ! Une image vaut mieux que des mots! (celle-ci me vaut tous mes maux.) 





Libé








Le Monde






Le Point


Nouvel Obs

Paris Match

Deuxième 



Le Parisien

Champion en nombre d'occurences

Inutile de préciser que ça fonctionne aussi dans le sens inverse. 


musicMe

Lecteur endurant, tu as compati jusqu’ici, je ne te ferai pas l’affront d’un cours de grammaire. Tu as bien assimilé depuis la 6ème que balade et ballade sont des homophones et apprécies de temps à autre une salutaire balade en forêt, tes écouteurs hi-tech régalant tes tympans nostalgiques de la Ballade d’Actarus (tu as le droit d’écouter autre chose, mais hein, bon, c’est pour l’exemple). Le genre féminin s'applique aux deux, donc. Ca, c’est fait.

Par contre, tu ne sais peut-être pas comment on en est arrivés à cette tragédie confusion (quoique tragédie ne serait pas du tout excessif dans ce contexte) 

Villon, s’il revenait : sa ballade n’a jamais aussi bien porté son  nom 

Dans mon odorante Provence natale, on appelait « ballada » une chanson à danser, ce terme n’étant pas sans rappeler le « ballare » italien, qui signifie danser. Voilà donc les ancêtres de notre ballade poétique. Jusque là, rien de transcendant, que du logique, me diras-tu. Mais alors quel est le petit plaisantin qui s’est permis de battre de l’"l" et de nous imposer une balade-promenade qui n’évoque aucunement le besoin d’entamer un menuet sur les sommets du Garlaban ? 

Un petit indice : les transports en commun citadins (non, je ne suis pas encore mûre pour le recyclage).

Explication : dans les rames de notre bon vieux et moins vieux métro, il n’est pas rare alors qu’on essaie de se concentrer sur une traduction échue depuis 27 heures, de se retrouver face à un sympathique joueur d’accordéon qui s’époumone dans l’espoir de recevoir quelques centimes sonnants et trébuchants. La traductrice peu mélomane qu’est l’auteur de ce blog se retouve dans ces cas à maudire l’état de ses finances son côté écologique qui l'a fait renoncer au luxe d’une petite Corsa / Smart / Twingo / 207 (n’importe quoi du moment que ça roule et nous permet d’éviter les pieds-de-grue dans le froid et les accroches plus que douteuses de certains jeunes godelureaux débordant d’outrecuidance). 

Efficace technique de drague: "Ma'moiselle, quand on est à votre caisse on se croit au paradis"

Flashback de 900 ans, les mendiants et jongleurs médiévaux à la recherche de quelques piécettes déambulent au gré des ruelles en chantant des ballades. Ballader a alors le sens de circuler en chantant. Et prend deux "l"... Ou un seul... Et oui, à cette époque où la majorité des fidèles chrétiens n’a pas appris à lire et n’en a pas l’utilité grâce à la politique zéro tolérance de l’Eglise (grâce, tu t'en doutes, est employé dans ce contexte pour exprimer le sarcasme), on se contrefiche un peu des règles de l’orthographe. Heureusement qu’un certain Monsieur Poisson est venu remettre un peu d’ordre dans les esprits. S’il avait eu la bonne idée de naître quelques centenaires plus tôt, baladin aujourd’hui prendrait peut-être les deux « l » qu’il mérite. Quoique… Au XVIème siècle, la 1ère édition du Dictionnaire de l’Académie Française préconise « balladin ». Idem pour Furetière.

Balade en forêt version Amnésia ou Comment oublier à quoi ressemble un arbre.
  
Promis, la prochaine fois, je fais le procès des utilisateurs critiques du terme 
« entamer ». Chers journalistes, si vous voulez bien m'accorder ce minuscule plaisir, ARRÊTEZ DE L’UTILISER A TORT ET A TRAVERS A LA PLACE DE COMMENCER !

T’oh !